pulp_fiction1110

Ce à quoi Vegas répondit : j’ai administré des milliers de massages de pieds, et ils voulaient tous dire quelque chose. Et on comprend bien alors, du haut de ses 13 ans (mon âge quand pulp fiction fit irruption dans les salles obscures de la ville lumière), qu’il entend par là quelque chose de sexuel.

Le débat sur l’assistanat sexuel me fait penser à Pulp Fiction – je sais, la transition est un peu rude mais vous allez voir, ça fera bientôt sens comme on dit dans mon métier.

Lors d’un débat sur la prostitution, ce sont en réalité deux discussions que l’on mène de front sans, la plupart du temps, les distinguer : politique et morale.
Politique : quelle est la meilleure manière de lutter contre la traite humaine – la prohibition ou la légalisation ?
Ethique : un individu majeur devrait-il être autorisé à monétiser une prestation sexuelle librement consentie ?

Mais avec l’assistanat sexuel, tout devient plus simple. Car ici, point de réseaux mafieux ; que des femmes et des hommes indépendants et sensibles à la souffrance des personnes handicapées. Exit donc la question politique, ne reste que l’éthique. Ce qui contraint les prohibitionnistes à répondre sur le fond à la question de la libre disposition de nos corps.

Et leur réponse est très souvent non. Le motif avancé : le corps n’est pas (ne doit pas devenir) une marchandise. Difficile à priori de ne pas souscrire, tant admettre le contraire est riche d’implications un brin scabreuses : c’est par exemple implicitement accepter le développement d’un marché libre du don d’organe – le plus beau foie au plus offrant, les meilleurs poumons au plus rebondi porte-monnaie.
Sauf que ni la prostitution librement consentie, ni l’assistanat sexuel, ne consistent en une marchandisation du corps ; il s’agit de prestations de services sexuels. Une prostituée ne vend pas son vagin, elle en fait une force de travail échangée contre rémunération – tout comme un ouvrier le fait de ses biceps.
Ou une masseuse de ses mains.
Ce qui nous conduit à cette curieuse situation (tout en nous ramenant à pulp fiction) : la loi autorise une personne handicapée à payer pour qu’on lui masse les pieds, mais pas le clitoris. Il s’agit pourtant sensiblement du même acte – avec des bénéfices assez similaires par ailleurs, vous seriez étonnés du pied qu’on peut prendre à se faire masser les panards.

Pourquoi alors ce double régime ?

Sans doute parce que l’un touche au sexuel et l’autre non. Au fond, c’est la marchandisation du plaisir sexuel qui gêne les prohibitionnistes. Même quand elle est librement consentie, voire activement recherchée, ça ne passe pas.

On nage en plein Freud…

freudart450x2701

Peut-être. Mais j’y vois aussi un genre de rêve édénique, l’espoir que quelque chose, n’importe quoi, l’intime par exemple, puisse échapper à l’échange économique et au libéralisme de notre temps.
Une « exception sexuelle », pour reprendre la formule qu’employait le sociologue Eric Fassin dans un article de Libération en 2014 : « Contre la marchandisation des corps, des sexes et des ventres, on invoque l’exception sexuelle. C’est comme l’exception culturelle : à l’empire des marchés, on veut soustraire un domaine, culture ou bien nature. La même logique anime l’abolitionnisme contre la prostitution et le refus de la GPA, commerciale ou pas ».

On peut comprendre ce rêve, sympathiser avec… mais on peut aussi le trouver dangereux et nocif.
D’une part parce qu’il renforce la sexualité dans sa position de chose à part, hors du quotidien et du temps.
D’autre part car cette « exception sexuelle » nous empêche de penser l’exploitation sexuelle comme un phénomène indépendant de la marchandisation sexuelle, avec ses spécificités et ses solutions ad hoc à trouver.

Autrement dit, et pour répondre à S.L.Jackson : « Eating a bitch out and giving a bitch a foot massage really should  be the same fucking thing, according to the law ».

pulp-fiction-pulp-fiction-13157913-1920-810