Dans un article du 6 Avril paru dans Libération, l’élue EE-LV Esther Benbassa affirme que le voile n’est pas plus aliénant que la mini-jupe et qu’interdire l’un ou l’autre, c’est dans tous les cas confisquer aux femmes le droit de disposer de leur corps.

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Crédit photo : Hussein Chalayan

Difficile de ne pas tomber d’accord avec elle sur ce dernier point : je ne conçois aucun principe supérieur qui permettrait à l’Etat d’interdire à une femme de porter un voile, une perruche ou une combinaison faite de strass et de bonbon avec un imprimé dromadaire dans le dos.

Mais difficile également de ne pas se sentir gêné aux entournures par son autre affirmation : voile et mini-jupe égaux dans l’aliénation, religieuse pour le premier et marchande pour la seconde.

Notons tout d’abord qu’aucune femme dans le monde ne se fait insulter pour ne pas porter de mini-jupe ; on ne peut pas en dire autant du voile.
Mais c’est surtout dans les systèmes de représentation auxquels ils renvoient que ces deux objets font bande à part.

La mini-jupe reste un des artefacts les plus célèbres de la révolution sexuelle, l’emblème textile de l’esprit d’affranchissement des années 60. Fin 1969, Barthes écrivait dans Marie Claire : « Ce n’est pas un raccourcissement mais une construction parfaite ». Construction d’une féminité rendue à elle-même, qui s’approprie le droit à la séduction jadis réservée aux hommes. Et quand je dis droit à la séduction, je parle de la possibilité de dire oui pour ensuite dire non, ou non pour ensuite dire oui, sans que jamais personne ne se fasse le comptable de vos actes et décide à votre place de ce que vous désiriez ou exprimiez.
Il est intéressant de relever que pendant que les jupes raccourcissaient, les hommes eux s’autorisaient les cheveux longs, les bijoux, les tenues bariolées…
Derrière la mini-jupe, il y a en idée l’égalité et la liberté.

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Et le voile ?

Selon l’historienne Lucette Valensi, il est « l’une des manifestations de la modestie, de la pudeur, qu’on attend des femmes vertueuses. Il permet de défendre l’honneur familial auquel les femmes portent atteinte si elles éveillent le désir des hommes en dehors des liens conjugaux. Il revient alors aux hommes de venger cet honneur offensé. » (source)
Cette définition me parle, en ce qu’elle vide le sujet de sa dimension religieuse. Ce voile-là, on l’a connu en Europe pendant des siècles, on le connaît encore dans certains pays des balkans. Il n’est qu’un des attributs du système d’oppression patriarcal, qui fait de la femme un objet d’échange et de son honneur une valeur marchande et symbolique.
Derrière le voile, il y a en idée l’inégalité et la subordination.

Deux objets et deux représentations de la femme, à mon sens, incompatibles.
Cela étant dit, une chose est certaine : ce n’est pas en interdisant l’usage du voile qu’on convaincra qui que ce soit de passer à la mini-jupe.